Philippe Gausset : je privilégie les relations humaines avec les salariés, je ne conçois pas l’entreprise autrement

 Dans Savoyard de coeur

Né en 1948 à Beaune (Côte d’Or), Philippe Gausset mène l’essentiel de sa première carrière – ingénieur en génie civil – dans la région Rhône-Alpes. Il développe ensuite la gestion de stations alpines, puis la navigation de plaisance sur les lacs pour sortir de la saisonnalité du ski. Passionné de montagne, il partage avec ses collaborateurs les valeurs de solidarité, de respect des hommes et de la nature.

 

Quelles étapes de votre parcours professionnel vous ont fait découvrir les Savoie ?

J’ai commencé ma carrière par des missions d’ingénierie sur des projets routiers, notamment dans la région des Alpes, avec la route d’accès à Chamonix et l’autoroute A41 au passage du col d’Evire. Puis l’ingénierie de travaux souterrains m’a mené des premières lignes du métro de Lyon aux tunnels des stations d’hiver en Tarentaise et en Maurienne (Val d’Isère, les 2 Alpes, Tignes, Bourg Saint Maurice). J’ai créé le groupe Transmontagne en 1991 pour gérer des domaines skiables et des résidences de tourisme (jusqu’à 14 000 lits !) dans de nombreuses stations de ski en France, mais aussi en Italie, en Suisse, Slovénie, Slovaquie et à Dubaï.

Vous avez désormais centré votre activité sur la navigation en reprenant les Bateaux du Lac du Bourget en 2010 et ceux du Lac d’Annecy  en 2019. Quelles sont vos priorités pour ces compagnies ?

Notre organisation de croisières sur les lacs d’Annecy et du Bourget, sur le canal de Savièse et le haut Rhône se développe toute l’année. La pérennité de notre activité nous permet de stabiliser les emplois de nos salariés et de travailler avec des autocaristes comme Berthelet, l’un de nos actionnaires, qui amènent des groupes en intersaison. Je me sens investi d’une responsabilité morale envers le personnel ; sans lui, l’entreprise n’existe pas : personnellement, je ne sais pas piloter un bateau !

Quelles sont vos méthodes pour valoriser l’employabilité de vos collaborateurs ?

Je privilégie les relations humaines avec les salariés, je ne conçois pas l’entreprise autrement. Pour réussir un management participatif, il faut bien connaître ses employés et accepter de corriger nos visions de dirigeants. Un exemple ? En arrivant à Annecy, j’ai planifié des entretiens individuels avec les 40 salariés. Le plus court n’a duré qu’une heure et demi… Depuis, je consulte régulièrement nos professionnels et les associe aux grandes décisions. Lorsque nous préparons nos plaquettes d’information pour la saison estivale, je recueille l’avis des pilotes pour optimiser nos rotations horaires. De la même façon, les chefs élaborent les menus des restaurants et nous échangeons avec eux sur chaque proposition, chiffres à l’appui.

Quelle est votre stratégie en termes de ressources humaines pour les années à venir ?

Je tiens à développer la polyvalence des saisonniers pour qu’ils acquièrent un statut de permanents. La mobilité interne est également pour moi une forme de reconnaissance importante. En 2015, j’ai confié la Direction opérationnelle de la Compagnie d’Aix les Bains, puis en 2019 celle de la Compagnie d’Annecy, à une femme de 50 ans qui était entrée dans l’entreprise pour « faire la plonge » il y a 30 ans. Pour encourager la mobilité verticale, notre investissement dans la formation va au-delà de nos obligations. Nous formons sans cesse des pilotes, des agents de navigation… et nous approfondissons des compétences utiles à tous, comme la prise de parole en public ou la maîtrise des outils numériques que nous mettons en place à Aix-les-Bains. Bientôt, le système complet – application de vente en ligne, gestion des caisses, du stock, de la maintenance, du planning… – va migrer sur l’entité d’Annecy.

Comment envisagez-vous la propulsion propre de votre flotte pour préserver les écosystèmes lacustres ?

La découverte de la nature est notre passion et… notre fonds de commerce. Nous vendons du rêve, pas un trajet pour aller au travail ! La gestion durable de notre flotte est donc au centre de nos préoccupations : nous visons 0 émission de CO2. Nous étudions des motorisations à hydrogène ou à l’énergie électrique, pas encore matures pour notre activité pour des questions de réglementation ou de coût. En attendant, nos bateaux fonctionnent depuis avril au GTL marine (gas to liquid), un carburant alternatif au GNR (gasoil non routier), moins polluant, inodore et biodégradable. Son très haut niveau de combustion réduit le bruit des moteurs, ce qui nous permet de sortir des ports en silence. Le GTL marine coûte 2 à 3 centimes de plus que le GNR mais il a l’intérêt d’être utilisable sans modification des cuves et des moteurs de nos bateaux. Nous avons par ailleurs prohibé les emballages en plastique sur nos bateaux.

Établissez-vous des connexions avec d’autres modes de transport existant dans le secteur des lacs que vous desservez ?

Oui, nous avons inauguré un bateau-vélo sur lequel 40 cyclistes embarquent pour traverser le lac du Bourget, plutôt que d’emprunter la route, très dangereuse, qui le longe. Les arrêts d’Aix-les-Bains, Hautecombe, Conjux et Chanaz ponctuent les 12 km de trajet. Cette initiative soutient le développement de la VéloRoute (ViaRhona) qui va du Léman à la Méditerranée (815 km) en passant par Chanaz, au nord du lac. Sur le même principe, notre bateau-plage évite les trajets en voiture d’Aix-les-Bains à Conjux. Cette navette bénéficie des aides de l’Etat, de la région Auvergne-Rhône-Alpes, de la Savoie, de l’agglomération Grand Lac et de la Compagnie Nationale du Rhône : elle répond à une attente forte en termes de déplacements doux.

Qu’appréciez-vous particulièrement dans cette région où vous avez choisi de vous implanter depuis des décennies ? Les gens, le paysage ?

Les gens indéniablement ! Les collaborateurs avec lesquels je travaille ont le sens de l’effort et font preuve d’une solidarité hors pair. Ils sont tous mobilisés quand nous devons faire face à un imprévu. Quand le moteur de l’un de nos bateaux a pris feu, tout le personnel de la compagnie est allé spontanément accueillir le navire sur le port d’Aix-les-Bains ! Quant à la montagne, elle est mon élément de prédilection depuis longtemps. De ma maison (montagne de Dullin) ou de mon bureau (Aix-les-Bains), j’ai une vue époustouflante. Avec mes frères, j’ai retapé bénévolement le refuge du Col de la Croix du Bonhomme (Beaufort-sur-Doron) il y a 54 ans ! Nous y sommes retournés cet été en 3h10 (au lieu de 50 minutes autrefois), c’est toujours moins que le temps indiqué sur les pancartes ! Je connais bien sûr toutes les routes des Alpes par cœur pour avoir géré de nombreuses stations et je garde précieusement certaines relations d’amitié nouées à cette période.

Les Compagnies des Lacs du Bourget et d’Annecy en chiffres

12 bateaux

Annecy : 1 bateau-restaurant de 350 couverts

Aix-les-Bains : 3 bateaux-restaurants de 50 à 150 couverts

40 employés en ETP

150 000 litres de carburant / an

270 000 personnes transportées chaque année

Chiffres d’affaire : CBLA > 4,5 M€ / CBLB > 2 M€

>Voir le site de la Compagnie des bateaux d’Annecy

> Voir le site de la Compagnie des bateaux du Lac du Bourget

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