Rodolphe Pfaifer : « Ma passion pour notre métier est mon vrai moteur »

 Dans Savoyard de coeur

Pour conforter la dynamique de l’entreprise familiale en France comme à l’international, Rodolphe et Valentin Pfaifer cultivent l’ADN Lépine : haute qualité et maîtrise des process. En internalisant un maximum de savoir-faire et en formant des experts « maison », ils imposent la french touch sur le marché de la chirurgie orthopédique.

 

Votre formation vous a-t-elle préparé à la reprise de l’entreprise familiale ?

Je n’avais pas forcément prévu de travailler dans l’entreprise familiale mais l’occasion s’est présentée au cours de ma formation. J’ai fait des études d’ingénieur en génie mécanique à l’INSA de Lyon puis un DEA de biomécanique. Ma spécialité, la tribologie (étude de l’usure), intéressait mon père pour les prothèses de genou. J’ai commencé à travailler dans l’entreprise en 2000 tout en achevant mes études.

 

La prothèse était une nouveauté pour la société Lépine ?

Oui, la Maison Lépine, devenue le Groupe Lépine en 1991, fournissait jusqu’en 1988 tout le matériel nécessaire au bloc opératoire. Environ 5 000 références, vendues exclusivement en France. Pour faire face à la concurrence, nous avons recentré l’activité sur l’orthopédie et investi dans un bureau d’études pour créer une première prothèse de hanche en 1990, une prothèse de genou en 1992 et une prothèse trapézo-métacarpienne en 2005, MAIA, avec laquelle nous sommes d’ailleurs leaders sur le marché français de la prothèse de main.

 

Quelle a été votre première responsabilité dans l’entreprise ?

J’ai pris la tête du service revêtement en 2001. Groupe Lépine venait d’acquérir un équipement pour que nous traitions nous-mêmes la surface des prothèses en y ajoutant un revêtement de phosphate de calcium (hydroxyapatite) et  il fallait quelqu’un qui chapeaute ce segment. L’hydroxyapatite accélère la recolonisation osseuse à l’intérieur des anfractuosités de la tige et améliore naturellement l’intégration des implants.

 

Une première étape dans le développement de vos savoir-faire ?

Tout à fait ! Notre croissance externe nous permet de réunir toutes les compétences requises pour notre activité. La conception et le prototypage de nos implants sont réalisés par notre bureau d’études de Genay, près de Lyon, à l’aide d’imprimantes 3D. En 2005, nous avons acheté une forge à Orthez (64) que nous avons restructurée pendant quatre ans. Une expérience humaine forte que nous avons renouvelée en 2016 lorsque nous avons acquis la fonderie Medimet de Stade, en Allemagne. Nous fabriquons des petits produits spécifiques, des attelles dans nos ateliers lyonnais et roannais ; ICB, l’une de nos filiales spécialisée dans l’injection de polymères médicaux, produit des ancillaires à usage unique et des implants résorbables. AMF (Alliage à Mémoire de Forme) est notre plateforme d’essais mécaniques. L’unité de Genay usine nos produits finis stériles, prêts à l’emploi, directement utilisables par les hôpitaux. Enfin, nous sommes très fiers de TBF, qui réalise des greffons lyophilisés à partir d’os ou de placenta pour des applications comme l’ophtalmologie, l’urologie ou l’orthopédie.

 

Vous employez maintenant 500 personnes sur 8 sites. Pourquoi ne pas réunir toute votre production autour de votre siège social, à Genay ?

Les acquisitions de ces sites se sont faites au gré d’opportunités que nous avons su saisir, avec la volonté d’internaliser l’ensemble de notre process. On ne déplace pas aisément une usine, un savoir-faire. De nombreux facteurs et des contraintes réglementaires importantes sont à prendre en considération.

 

Quelles sont les valeurs qui vous inspirent en tant que manager ?

Le sport m’a appris à mobiliser les équipes. Nos relations, en interne, sont franches et directes. Pas de vouvoiement ni de cravate, pas de formalisme… Notre hiérarchie n’impose pas de barrières mais un respect mutuel. Le dialogue, la rigueur aussi : nous travaillons pour la santé de nos contemporains, nous n’avons pas droit à l’erreur et nos contrôles qualité sont exigeants. Gérer une entreprise familiale permet de garder une certaine proximité, de valoriser les efforts et la fidélité de chacun. Depuis 2014, nous remettons des médailles du travail chaque année. La moitié des salariés a plus de 10 ans d’ancienneté. Ensemble, nous partageons nos projets, nous défendons la fabrication française et la qualité de nos relations nous donne confiance dans l’avenir.

 

Quel est votre projet le plus porteur pour la médecine de demain ?

Notre laboratoire de génie tissulaire TBF, basé à Mions (69), innove pour constituer une gamme de biomatériaux  qui répondent aux besoins cliniques des chirurgiens orthopédiques, du rachis, de neurochirurgie de traumatologie  ou encore d’ophtalmologie. L’utilisation de greffes osseuses d’origine humaine, minéralisées et spongieuses, issues de donneurs vivants, traitées par un procédé hautement sécurisé et éprouvé, offre une solution idéale pour la reconstruction osseuse.

 

Quel est l’impact de la crise Covid sur votre industrie ?

Nous n’avons jamais cessé notre activité puisque nous produisons du matériel de première nécessité. Nous devions maintenir l’approvisionnement des établissements hospitaliers durement touchés par la crise.

Il a fallu s’assurer de travailler dans les meilleures conditions, en toute sécurité. Nous avons donc fabriqué nos propres masques, grâce à notre atelier de confection d’attelles, et notre propre solution hydro alcoolique, grâce à notre laboratoire TBF. Nous connaissons bien les problématiques de microbiologie et de contamination ; nous avons donc appliqué partout les règles d’hygiène que nous respectons dans nos salles blanches et le télétravail a été généralisé pour protéger la production sur site. Le maintien de l’activité a permis, notamment, d’équiper en attelles 4000 nouveaux lits de réanimation, mais aussi de fournir nos masques homologués aux établissements de santé et aux collectivités.

La répartition des ventes de nos implants a quant à elle suivi la propagation du virus, de la Chine à la France puis à l’Amérique du Sud…

 

Quelles sont vos ambitions commerciales ?

Le ralentissement a été propice à la réflexion et nous avons défini un plan de recherche, fabrication, distribution et communication. En cinq ans, nous voulons passer de 50 M€ à 80 M€ de chiffre d’affaires. De nombreux projets sont en cours pour atteindre cet objectif. Nous prévoyons notamment de retravailler nos gammes et renforcer notre position en France en en Europe. Plusieurs nouvelles filiales sont en cours de création.

Mon frère Valentin, qui est entré dans l’entreprise en 2010, supervise, entre autres, notre déploiement commercial et nous gérons ensemble l’évolution financière du groupe.

Nous réalisons désormais 50% de notre CA à l’export, avec 8 filiales implantées en Europe, au Maghreb, en Amérique latine et des distributeurs installés dans 40 pays.

 

Quelles sont vos cibles privilégiées ?

Nous travaillons avec les établissements de santé, publics et privés, et nos principaux interlocuteurs sont les chirurgiens orthopédistes. Nous accordons beaucoup d’importance à la relation client et avons d’ailleurs développé une offre de formation pour les accompagner au mieux.

 

Quels types d’emploi vont être créés pour développer votre groupe ?

Nous recherchons des profils techniques mais également des profils en « Contrôle Qualité et règlementaire », en Marketing, en R&D. Nous sommes en pic de croissance et nous avons du mal à recruter ! Nous misons sur les formations en alternance et nous ouvrons notre Académie en septembre. En tant que rameur du Club Nautique de Lyon Caluire et du Club de Thonon, j’embauche aussi dans le milieu sportif ; j’ai toujours aidé les athlètes de haut niveau car ils ont un sens de l’effort remarquable. L’aviron n’a pas de sponsor, je n’ai pas d’investisseur dans le capital. Sur tous les fronts, notre indépendance fait notre fierté !

Et nous accordons beaucoup d’importance au bien être des salariés et à la qualité de vie au travail. Chaque entreprise doit également faire preuve de responsabilité sociale et environnementale.

 

Quelles démarches mettez-vous en place dans ce sens ?

Un chargé HSE (hygiène sécurité environnement) est en cours de recrutement sur notre site de production pour veiller à la sécurité des hommes, à leur bien-être et au respect de l’environnement. Notre industrie n’est pas polluante mais nous optimisons le tri des déchets, l’installation de panneaux photovoltaïques, la récupération d’eau…

Nous avons beaucoup travaillé ces derniers mois sur le développement de la communication interne. Nous avons lancé un intranet qui reprend toutes les actualités de la vie d’entreprise et une conciergerie qui facilite le quotidien de nos collaborateurs en proposant de nombreux services : mise à disposition de produits locaux, pressing, aide administrative, etc.

 

Quelle est votre recette anti-stress ?

Je suis fier des origines haut savoyardes de ma mère et de ma belle-famille ; j’adore faire du sport dans cette région de montagne et de lac. Je rame avec mon épouse à Thonon, parfois seul en skiff ou avec des coéquipiers d’aviron, sur la Saône à Lyon. Mais ma passion pour notre métier est mon vrai moteur : je joue un rôle de plus en plus actif à l’AFIDEO, l’association qui représente notre filière et défend nos innovations auprès des institutions nationales.

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