Cédric Pernot : « La crise a décuplé l’envie de plaisirs gourmands »

 Dans Hors-Série – Comment l’ont-ils vécu ?

﹛𝐇𝐎𝐑𝐒 𝐒𝐄́𝐑𝐈𝐄 : Comment l’ont-ils vécus ?﹜

La pandémie Covid-19 a bousculé nos repères, personnels et professionnels. Elle a remis en questions nos fonctionnements, nos certitudes, voire la pérennité de nos activités. Toujours à « hauteur d’Homme », au plus près de vos préoccupations, la Banque de Savoie a interrogé les acteurs de la vie économique locale dont vous avez fait la connaissance dans notre rubrique Savoyards de cœur. Voici leurs témoignages à chaud sur la période inédite que nous traversons.

 

Cédric Pernot, quels sont les points négatifs que vous retenez de cette crise Covid-19 ?

Les incertitudes de la semaine précédant le confinement ont été difficiles à vivre. Devions-nous fermer en tant que « commerce de luxe » non indispensable ou rester ouverts en tant que « commerce alimentaire » ? Je me suis dit que si les élections municipales étaient maintenues, j’ouvrirai moi aussi le dimanche matin pour honorer les commandes de mes clients. Notre fédération a ensuite tranché et nous avons baissé nos rideaux quelques jours avant Pâques. Nos chocolats étaient prêts à être enrubannés et étiquetés pour être exposés en vitrine… Nous avions 50 000 € de stock sur les étagères.

 

Cette décision de fermeture vous a-t-elle paru justifiée ?

Tout à fait ! Ce qui fait la force de notre profession, c’est que nous vendons des produits « plaisir », pas des denrées essentielles. Il était normal que notre magasin soit fermé pendant trois semaines, par respect pour la santé de nos clients et de nos collaborateurs.

 

Comment avez-vous géré la période de Pâques, l’une des plus importantes de l’année pour votre commerce ?

Nous espérions pouvoir ouvrir à cette occasion, nous avions comme toujours beaucoup de demandes… Et puis nous avons compris que le confinement allait se prolonger. J’ai alors demandé à notre prestataire informatique de créer notre boutique en ligne. Elle l’a développée en une semaine seulement ! Nous avons proposé un créneau de « click & collect » entre 11h et midi. Nous posions les produits dans le coffre des voitures de nos clients pour éviter tout contact. Nous avons aussi livré gratuitement les commandes au domicile de clients qui ne souhaitaient pas se déplacer. Nous n’avons réalisé que 35% de notre chiffre habituel mais peu importe ; ce qui compte, c’est que la matière première n’a été pas été perdue, ni même refondue : la valeur travail est sauve. Les fêtes de Pâques sont arrivées quatre semaines après le début du confinement et nos clients étaient heureux d’offrir des produits de qualité à leurs enfants plutôt que des confiseries industrielles. Nous offrions le quatrième moulage en chocolat pour remercier nos clients de leur fidélité.

 

Comment s’est passée votre reprise d’activité ?

Nous avons ouvert six heures par semaine, du 12 avril au 11 mai, en appliquant bien sûr un strict protocole de sécurité et seulement deux clients au maximum dans la boutique. Depuis le 11 mai, nos clients sont très présents, j’en suis ravi. Nous sommes associés à tous les moments heureux et les retrouvailles post-confinement ont largement augmenté la taille moyenne des gâteaux ! Chaque week-end, les familles fêtent les anniversaires « en retard » de plusieurs personnes, je le constate en fabriquant de nombreuses plaquettes avec les prénoms des personnes fêtées.

 

Comment voyez-vous l’été 2020 ?

Mi-juillet, nous avons beaucoup travaillé pour les mariages et si tout se passe bien, nous allons continuer à vivre intensément pour les mariés qui ont dû remettre leurs cérémonies. Les belles salles de réception de la région sont réservées pour les deux ans à venir ! Pour que les traiteurs soient disponibles, les mariages vont devoir se dérouler du jeudi au dimanche. Les budgets sont énormes, surprenants, je vois même les emprunts familiaux se multiplier. Les dégustations ont commencé chez nous… pour des mariages en 2023 ! Nous aurons sans doute dix mariages par semaine à prévoir pendant trois ans.

En ce moment, nous réalisons plus de chiffre d’affaires que lorsque notre salon de thé est ouvert. Il est resté fermé car il n’accueillerait que 10 personnes au lieu de 24 et nous voulons éviter tout risque sanitaire à notre clientèle. Malgré cette belle relance, nous ne sommes pas euphoriques : le stress dû au manque de visibilité demeure… Si la montagne attire les touristes cet été, Chambéry en profitera, mais combien de temps durera cet état de grâce ?

 

Comment avez-vous vécu cette période de crise en interne ?

En relais de la prise en charge du chômage partiel – demandée pour 15 employés sur 16 – nous avons pris une semaine de congés payés. Nos partenaires, banquiers, fournisseurs, nous ont soutenus. Nous avons maintenu les salaires et mes collaborateurs ont senti que leur entreprise était là pour eux. Ils ont été réactifs, positifs. Ensemble, nous avons appris deux nouveaux métiers : la double gestion des stocks – pour le site marchand et la boutique – et la livraison.

 

Personnellement, quelle a été votre « recette anti-stress » ?

Je suis resté actif ! Je suis venu faire des essais dans mon labo et j’ai créé des desserts pour le service réanimation de l’hôpital de Chambéry. Pendant deux mois, nous avons apporté des repas complets aux soignants : j’ai fourni le sucré et un ami a cuisiné le salé.

 

Quels sont les impacts positifs que vous retenez de cet épisode de crise ?

J’ai pu compter sur mon équipe et nous avons repris avec plaisir, malgré les contraintes. Ça m’a vraiment touché. Nous avons fait le plein d’idées pour les fêtes à venir et elles se mettent en place, sereinement. Même si la période a été compliquée, elle nous a fait avancer rapidement sur ce que nous n’avions pas pris le temps de faire avant. Nous allons prolonger la vente « click & collect », par exemple, puisque cette nouvelle pratique a reçu un très bon accueil. La nouvelle file destinée aux clients qui ont déjà payé leurs commandes en ligne fluidifie considérablement l’accès à la boutique.

 

Comment voyez-vous l’avenir de votre secteur ?

D’une manière générale, la capacité des entrepreneurs à rebondir est incroyable. Quand je vois mes collègues restaurateurs se réinventer pour faire du plat à emporter, je les admire. Mes confrères pâtissiers de l’association Relais Desserts se disent très satisfaits de la reprise. Pour consolider ce redémarrage, nous devons être créatifs et tenir compte des difficultés d’autres secteurs qui vont souffrir de la crise économique. Je pense aux cadeaux d’entreprise que nous allons prévoir pour la rentrée. Nous devons axer notre offre sur la qualité, l’originalité locale et proposer une gamme abordable. Développer notre savoir-faire artisanal est une bonne stratégie… le faire-savoir, c’est encore mieux !

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