Alain Germain : « La dynamique relationnelle de notre association a conforté sa force solidaire pendant la crise »

 Dans Hors-Série – Comment l’ont-ils vécu ?

﹛𝐇𝐎𝐑𝐒 𝐒𝐄́𝐑𝐈𝐄 : Comment l’ont-ils vécus ?﹜

La pandémie Covid-19 a bousculé nos repères, personnels et professionnels. Elle a remis en questions nos fonctionnements, nos certitudes, voire la pérennité de nos activités. Toujours à « hauteur d’Homme », au plus près de vos préoccupations, la Banque de Savoie a interrogé les acteurs de la vie économique locale dont vous avez fait la connaissance dans notre rubrique Savoyards de cœur. Voici leurs témoignages à chaud sur la période inédite que nous traversons.

Alain Germain, quel point négatif retenez-vous de cette crise Covid-19 ?

L’instrumentalisation de l’anxiété par les médias pour sensibiliser la population m’a frappé. Nous avons vu chaque soir tourner la roue de l’infortune avec le nombre de morts qui s’affichait sur nos écrans de télévision… Ce genre d’information ne peut qu’amplifier le désarroi des personnes déjà fragilisées par un cerveau blessé.

 

Comment votre association a réagi à la crise sanitaire ?

22% des associations comme la nôtre ont poursuivi leur action pendant cette crise et l’AFTC74 en fait partie. Notre structure compte trois salariées sur Annecy, deux animatrices et une permanente, qui ont accepté de travailler à distance. Les animatrices ont proposé des ateliers virtuels suivis par nos usagers via Skype ou Zoom. Nous avons équipé et formé les familles qui n’avaient pas de matériel informatique. Nos bénévoles ont téléphoné aux 150  personnes et à leurs familles que nous accompagnons sur le plan médicosocial, pour les services d’aide et de gestion du quotidien, sur les plans professionnel, juridique… Certaines sont seules et la relation humaine est capitale pour les soutenir dans des moments difficiles comme celui de la pandémie.

 

Personnellement, comment avez-vous lutté contre le stress ?

Ma conviction, c’est que tous les proches de personnes accidentées ont vécu un parcours chaotique, entre services de réanimation et de rééducation, et que nous avons déjà tous été  « confinés » pendant des mois dans nos incertitudes, nos angoisses. Personnellement, j’ai la chance d’habiter en bordure de forêt et j’ai énormément réfléchi en marchant. Ce moment de pause m’a permis d’avancer sur mon projet d’habitat partagé et d’écrire, avec d’autres adhérents, bon nombre des 59 « pensées du jour » postées sur le site de l’AFTC74. Ainsi ce confinement-là était pour moi un havre de paix !

 

Quels sont les impacts positifs que vous retenez de cet épisode de crise ?

J’ai été une fois de plus admiratif devant l’incroyable générosité et le dévouement qui animent notre réseau. J’ai découvert des sensibilités nouvelles, apprécié ce véritable esprit de famille, quelles que soient nos origines sociales. L’événement Covid-19 a réactivé nos ressources et notre « communauté du vécu » s’est manifestée avec une force que je lui connaissais déjà mais qui s’est amplifiée. Personne n’est resté sur la touche et nous n’avons constaté aucune aggravation de l’état de nos usagers.

 

Comment voyez-vous l’avenir de votre association ?

Nous avons accompagné 1000 familles depuis la fondation de l’AFTC74 et nous avons encore beaucoup à faire pour toucher celles qui ont besoin de nous. Sur 12 millions de personnes handicapées en France, seules 10% sont en fauteuil roulant mais le grand public ne retient que cette image du handicap. Sur un million de traumatisés crâniens, près de 10 à 15 000 nouveaux cas sont atteints de handicaps sévères chaque année, mais nous n’avons pas les moyens suffisants pour les aider. Sans doute parce que leur handicap neurologique est souvent invisible. En France, 80% des handicaps sont invisibles.

J’ai rencontré récemment Emmanuel Hirsch** qui me disait très justement que « ce qui est intolérable pour les familles, c’est l’humiliation subie à chaque demande de justification du handicap de nos proches ». Or l’onde de choc provoqué par un traumatisme crânien dans les familles de ceux qui sont touchés est énorme. J’ai d’ailleurs organisé un congrès sur les thèmes « fratrie » et « cérébro-lésion » qui a libéré la parole de nombreux aidants. Ensemble, nous faisons tout pour faire reconnaître à sa juste dimension la cérébro-lésion. Elle a déjà été repérée comme le handicap acquis majeur mais notre combat n’est pas terminé…

 

Note : Alain Germain a cofondé avec 4 autres familles et préside l’Association des Familles de Traumatisés Crâniens et de Cérébro-lésés de Haute-Savoie (AFTC74) depuis 27 ans. Il est aussi Membre Administrateur de l’UNAFTC (union nationale des AFTC) et du Fonds de Dotation National ECLAT, du Centre Ressources et du GEM (groupe d’entraide mutuel) La Re-Naissance Annecy, Vice président de RESACCEL AURA.

 

**Professeur d’éthique médicale à la faculté de médecine de l’université Paris-Saclay, président du Conseil pour l’éthique de la recherche et l’intégrité scientifique de l’université Paris-Saclay, directeur de l’Espace de réflexion éthique de la région Île-de-France et de l’Espace national de réflexion éthique sur les maladies neurodégénératives.

> Lire l’article sur l’AFTC 74 et l’engagement d’Alain Germain

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