Thierry Morlet et Arnaud Tran Van : « l’ergonomie réinvente le travail, avec respect »

 Dans Savoyard de coeur

Thierry Morlet a fondé la SARL ANCOE en 1996, à Albertville. Avec Arnaud Tran Van, associé-gérant depuis 2011, il a ouvert des agences à Talence, Tours et Villeurbanne. Tous deux conseillent en ergonomie des entreprises publiques et privées de toutes tailles. Ensemble, ils défendent une approche scientifique atypique des questions du travail.

Vos méthodes sont-elles semblables quand vous intervenez pour le Groupe SEB ou pour le Conseil Départemental de la Savoie ?

Tout à fait ! Par principe, nous avons une approche compréhensive du travail. L’ergonomie est l’étude scientifique de la relation entre l’homme et ses moyens, méthodes et milieux de travail. Notre objectif est d’aboutir à une meilleure adaptation à l’homme de ses moyens de production et de son milieu de travail. Un employé en bonne santé physique et mentale est plus efficient. Or les industriels qui programment un plan de maintenance pour leurs machines oublient parfois de prendre soin des personnes… C’est notre rôle d’accompagner tous les responsables de personnel sur ce terrain.

Sur quels paramètres se base votre analyse ?

Les étapes de l’intervention ergonomique passent par l’analyse de l’activité humaine (acteurs, enjeux, activité réelle de travail). Nous étudions la dimension instrumentale (choix techniques, économiques, outils mobilisés, processus), la dimension opérationnelle (organisation, management, compétences), la dimension temporelle du salarié, du collectif, de l’entreprise (évolution des métiers, contenu, organisation…) et la dimension existentielle de l’entité (utilité du travail, identité sociale, aspects psychosociaux). Fondamentalement, l’ensemble de ces dimensions sont indissociables, c’est ce qui fait sans doute, pour certains la complexité des questions.

Pour établir cet état des lieux, êtes-vous immergés dans l’entreprise évaluée ?

Oui, nous sommes avant tout des hommes de terrain ! Nous pouvons assister en costume à un Comité de Direction comme nous retrouver accrochés à l’arrière d’un camion-poubelle en tenue de sécurité, rien ne nous échappe. Notre but est d’être présents pour observer et comprendre : on ne peut pas évaluer un résultat sans se confronter à la réalité d’une tâche. C’est ce que l’on appelle faire l’expérience du réel. Les décideurs sont de plus en plus loin du terrain et nous sommes là pour interroger les logiques de gestion et la culture du résultat, mais aussi répondre à leurs doutes et à leurs questions.

Certains commanditaires sont-ils parfois gênés par vos investigations ?

C’est très rare : nous signons une charte d’engagement mutuel. Ce document contient toutes les précisions sur notre méthodologie, notre déontologie ; le cadre est posé avec rigueur, sans surprise. Les livrables sont des rapports d’études étayés, illustrés de photos ou de vidéos. Des rendus intermédiaires permettent une pleine exploitation des données recueillies et analysées. Parfois, il faut du temps pour assimiler et comprendre, mais c’est notre rôle d’accompagner nos clients sur ce chemin.

En combien de temps vos préconisations portent-elles leurs fruits ?

C’est très variable, cela dépend de ce que l’on cherche à faire évoluer. Nous créons un groupe de travail avec les salariés concernés pour accompagner les changements, par exemple. Quand nous sommes appelés pour un réaménagement de l’espace, il se peut que nous constations d’autres besoins dans un établissement et souvent les dirigeants suivent nos recommandations… Nous proposons des formations-actions aux salariés pour qu’ils puissent agir, avec une structure de pilotage (RH, médecine du travail, CHSCT…), sur la prévention des troubles musculo-squelettiques ou des risques psychosociaux, par exemple. Parfois, nous ne répondons pas à la commande d’un client pour contribuer à transformer la situation et nous lui expliquons pourquoi.

Quelles sont vos plus grandes satisfactions professionnelles ?

Être des hommes de l’ombre, avec un très fort rôle. Nous aimons former les acteurs de l’entreprise pour leur donner le pouvoir d’améliorer eux-mêmes leur qualité de vie au travail. Le plus fort des retours c’est celui de nos interlocuteurs qui respirent, ouvrent les yeux sur de nouvelles perspectives à la suite de notre intervention. Nous portons cette vision du monde également dans de nombreuses universités, à Paris et Lyon. Nous sommes sollicités pour partager notre savoir-faire auprès de futurs ergonomes. Avec 150 Ergonomes Européens en exercice en France actuellement, le développement de la profession au travers de cette certification est aujourd’hui une vraie garantie pour toute personne qui souhaite faire intervenir un ergonome de qualité.

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